samedi 21 avril 2007

La Musique liturgique à la Basilique palatine de Sainte-Barbara de Mantoue


I. Introduction


Il est parfois assez étonnant de constater que l’Italie ne s’est constituée en État qu’il y a à peine un siècle (1870), alors que ce pays a été l’un des plus anciens foyers de la civilisation occidentale et que ses limites géographiques naturelles semblaient la prédisposer à l’unité. Mais, en effet, depuis la chute de l’Empire romain d’Occident (476), l’histoire et la géographie de l’Italie ont été très fortement marquées par la fragmentation et le discontinu.

À la différence de la France où, dès le haut Moyen Âge, commença une unification géographique, administrative et linguistique autour de Paris, l’Italie resta divisée tout au long de l’histoire en plusieurs morceaux : royaumes de souverains étrangers au sud, États de l’Église au centre, et plusieurs petites principautés au nord. À l’époque de la Renaissance, ces principautés occupaient une zone géographique assez limitée (très souvent une ville et sa campagne urbaine), mais chacune d’elles sut développer une puissance économique suffisamment florissante pour posséder une large autonomie. Ainsi, malgré les conflits avec de grands voisins (Empire germanique, Papauté, France et Espagne), elles purent garder une relative indépendance. En outre, elles maintenaient entre elles un certain équilibre, ce qui a empêché justement l’unification.

Ces cités-États furent gouvernées de façon tyrannique par une unique famille locale fortunée : les Médicis à Florence, les Visconti puis les Sforza à Milan, les Este à Ferrare, les Della Scala à Vérone, les Malatesta à Rimini, les Farnèse à Parme et Plaisance, les Gonzague à Mantoue, etc. Ces familles se livraient à une vigoureuse concurrence non seulement politique et commerciale, mais aussi artistique, ce qui les a poussées à devenir d’extraordinaires mécènes. L’épanouissement de la Renaissance italienne leur doit beaucoup, car chaque mécène a voulu faire de sa ville la plus prestigieuse capitale de culture.

De cette concurrence socioculturelle entre les cités est né un phénomène que les historiens italiens nomment campanilismo (1). Il serait bien exagéré de parler ici d’ethnologie. Cependant, cette expression reflète un régionalisme très poussé, un esprit local bien marqué et même la naissance d’un nationalisme étroit. Même de nos jours, l’Italie n’est pas un pays centralisé. Ses vingt régions, divisées en 95 provinces, conservent une large autonomie et cultivent de diverses coutumes avec une mentalité distincte. Chaque région, chaque ville a ses propres manifestations culturelles, sa tradition culinaire et son dialecte (2).

Avant le Concile de Trente (1545-1563), la liturgie de l'Église catholique subissait un sort identique, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas une seule liturgie, mais plusieurs (3). Selon sa distance à Rome et le poids des traditions et coutumes locales, « chaque cathédrale, chaque église collégiale, chaque ordre monastique et souvent chaque couvent du même ordre observait son rituel particulier » (4). À une époque où les princes se disputaient pour avoir une chapelle familiale plus splendide que celle de ses voisins et pour l’orner avec une musique polyphonique plus riche, il n’est pas étonnant de constater que la liturgie n’était pas une structure rigide et monolithique.

Bien évidemment, ce sont les dignitaires ecclésiastiques locaux (évêque, doyen, abbé, prieur, etc.) qui étaient responsables de la conservation ou du changement de la liturgie, mais en réalité, ils étaient très exposés à la pression de l’extérieur. Ainsi, par exemple, la fête de certains saints spécialement vénérés par la famille princière pouvaient être incorporée dans le calendrier ecclésiastique, les célébrations municipales ou dynastiques pouvaient être mêlées au rite religieux, une ancienne tradition populaire pouvait influencer une cérémonie catholique.

Mais avec la Contre-Réforme dont les idées se sont concrétisées lors du Concile de Trente, les variantes liturgiques devaient s’effacer devant la suprématie romaine. L’esprit du Concile en général, et plus particulièrement celui des sessions XXII (17 septembre 1562) et XXIV (11 novembre 1562) concernant la réforme musicale, peuvent se résumer en deux mots : standardisation et simplification. (5)

Pourtant, trois des cités-États ont réussi à maintenir une liturgie locale particulière. Ce sont Milan, Venise et Mantoue. À Milan, le rite ambrosien s’est maintenu malgré la tendance générale romaine à une plus grande uniformité des chants grégoriens. Le répertoire ambrosien y est toujours en usage, même aujourd’hui. Quant à Venise - une république -, elle a développé une liturgie civique, le patriarchino. Il est basé sur les conventions romaines, mais contient aussi des éléments historiques, sociaux et politiques propres à Venise. Par exemple, il commémore des victoires militaires vénitiennes et donne beaucoup d’importance au rôle du doge à tel point que celui-ci est considéré à l’instar du pape. (6)

Le cas de Mantoue est un peu différent, car il ne s’agit pas ici de sauvegarder une tradition régionale, mais au contraire, d’inventer une nouvelle liturgie pour mieux respecter les réformes du Concile à l’échelle locale. À vrai dire, inventer une nouvelle liturgie serait une expression un peu exagérée. Il s’agit surtout d’adopter de nouveaux chants liturgiques. Ces chants sont basés sur la source grégorienne, mais se veulent plus conformes aux principes contre-réformistes. Ce projet fait corps avec la nouvelle église dédiée à sainte Barbara, église bâtie elle-même dans l’esprit tridentin et conçue pour une meilleure exécution musicale. Plusieurs compositeurs y sont engagés pour composer les messes polyphoniques en utilisant les nouveaux chants comme cantus firmus au détriment des plains-chants grégoriens. Ces messes ainsi que d’autres pièces religieuses, composées uniquement pour le rite de cette église ont été bien conservées à sa bibliothèque (7), et constituent un répertoire musical important de la Renaissance. Cette musique a ses particularités propres, bien reconnaissables, qui méritent une attention.

II. Mantoue et la famille Gonzague
III. Plains-chants du répertoire de Sainte-Barbara

IV. Messes polyphoniques et style alternatif de Sainte-Barbara
V. Conclusion
VI. Notes et biliographie

1 commentaire:

Anonyme a dit…

whoah this weblog is great i like reading your articles.
Stay up the great work! You understand, a lot of people are looking round for
this info, you can help them greatly.

Feel free to surf to my blog post - natural cellulite treatment